mercredi 6 mai 2009

A la gloire des Urgences.

Je rentre de garde, le cheveu rebelle, et l'œil vitreux, j'ai froid, même après mon café. Trois heures de sommeil, je ne devrai pas me plaindre, et garder ça pour l'an prochain. Non, je ne devrai pas me plaindre, car c'est plus qu' espéré, et que ce qui est encore plus surprenant c'est que cette garde a été en plus intéressante. Et salutaire que surtout. Bref, pas de quoi râler. J'ai eu l'air d'un Zombie aux transmissions, même bien réveillée, j'ai l'air d'avoir dix nuits de retard, les yeux collés par les lentilles, et le mélange larmes-mascara peu flatteur.

L'avantage à cette période de l'année, c'est que l'interne de garde est un ou une jeune interne, donc avec peu de temps de plus que moi passé à l'hosto, et ça rassure. C'est un peu égal-égal, chacune ses patients, on en parle après, bref, de l'autonomie pour moi, du pratique pour elle. Et puis en garde de nuit, le temps passe vite, très vite. Même si là je suis allée manger démesurément tôt du fait de notre trop grande efficacité à vider les lits.

Ca persiste malgré tout. Je me faufile dans les couloirs, je jette des coups d'oeils furtifs, je fais dix mille courbettes pour éviter ce service où il n'est plus mais où le destin pourrait me jouer des tours. Même quand une plaie par balle arrive et qu'on me propose de venir, je suis tétanisée, je suis incapable d'entrer dans ce monde qui était sien il y a peu. Je ne peux pas m'en empêcher, c'est lui que je voudrai retrouver en sortant, à qui je voudrai raconter tout ça, avec qui je voudrai partager cette belle journée qui ressemble tellement à celles qu'on a connu quand on s'est rencontrés. Tu me manques, infiniment, et un peu plus chaque jour qui passe.

J'ai vu des choses intéressantes cela dit, des choses variées, que j'ai trouvé par moi même comme une grande et dont je ne suis au final pas peu fière, comme ce pauvre mec de 36 ans qui payait pas de mine et qui finalement finira au bloc pour son duodénum perforé, que personne ne voulait examiner, et dont j'ai gentillemment attendu l'ASP avant de le pousser moi même au bloc. Ce mec qui s'est planté en voiture, tout seul, bourré, et qui me demande si un jour il va s'arrêter d'être malheureux et si son mariage résistera à ça. P****, il a vraiment pas choisi la bonne personne à qui parler. Je lui ai répondu que c'était trop facile de croire qu'il y avait des situations insurmontables. Je n'en crois pas un mot.
Ces gens qui sont capables de rester 24heures chez eux avec une jambe paralysée que ça n'inquiète pas plus que ça, là où d'autres viennent pour si peu dans la seconde en vous hurlant "je viens de disséquer ma carotide!" (véridique). Ce Papinou adorable, qui est là sans que personne sache pourquoi, qui demande juste à rentrer paisiblement chez lui, à qui j'aurai pu tenir la main toute la nuit, même si je ne suis pas douée pour le faire, et qui plein de gentillesse me demande si je suis mariée, et quand je lui réponds par la négative, me fait un clin d'oeil en me disant, "oh, mais il doit bien y avoir un fiancé par là, non?". Non.

Après en garde, il y a les mauvais côtés, les gens qui n'ont rien à faire là mais qu'on ne peut mettre nulle part ailleurs, une interne de chirurgie la plus hautaine et désagréable possible ( "une quarantaine d'années? C'est pas médical ça, je veux son âge, point." "Bon, il a 39 ans." "Mais sa consommation d'alcool précise c'est quoi?" Je suis allée lui calculer, paisiblement, que le monsieur se buvait ses 225g d'alcool quotidiens. Lui énumérer les quantités, même de manière détaillée ne suffisait pas, même si selon moi c'est plus parlant), la grande machine qu'est l'hôpital qui est tellement lente à mettre en route, les gens qui se croient à l'hôtel plus que dans une structure de soins. Rêver de lui encore, même dans une chambre où on dort à plusieurs, passer ma courte nuit avec lui, virtuellement, le sentir contre moi, sentir ses bras, sa tendresse. Et me réveiller démolie, une fois de plus.

Paradoxalement, les vérifications intempestives quotidiennes s'intensifient, et je me fais violence pour ne trouver de double sens à rien. J'y arrive très mal, j'interprète tout, je rêve, divague, extrapole, rationnalise l'insensé.

3 commentaires:

  1. il y a pire gribouillage... tous les visages de l'humanité en un lieu de passage des détresses, pas simple...

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  2. Salut Miss E,

    Je suis toujours là,
    je lis quelques blogs dont le tien.
    :)

    a @ t

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  3. J'adorais ton blog, c'était vraiment un plaisir. Dommage qu'il ait disparu. :)

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